A peine les Flamands surent-ils le roi Charles le Bel trépassé que Bruges et le Franc de Bruges, Ypres, Cassel, toute la West-Flandre, estimant n'avoir rien à craindre de la France, chassèrent les officiers et les percepteurs de leur comte, et rompirent toutes relations avec lui. Le comte Louis, bien qu'il eût pour lui toute la chevalerie du comté et la grande commune de Gand, toujours disposée à contrecarrer sa rivale Bruges, n'osa rien tenter par ses propres forces, et partit pour le sacre du roi Philippe. Il vint faire hommage au roi et lui exposa la situation, lui demandant humblement de l'aider. Après en avoir réfléchi, le roi décida d'agir et manda chacun de se rendre à Arras pour la Magdelaine.

         Lorsqu'il arriva à Arras, il fut agréablement surpris de constater que non seulement ses chevaliers avaient répondu en masse à sa demande mais en plus qu'une grande partie des féodataires de l'Empire avaient épousé la cause du comte Louis qu'ils trouvaient de " toute noblesse et gentillesse ". Du côté adverse, les choses allaient beaucoup moins bien et les Flamands, en plus d'être totalement isolés, faisaient face à de nombreuses luttes internes : Gand et la Flandre orientale demeuraient sous l'obéissance du comte Louis. Les rebelles toutefois s'assemblèrent, sans hésiter : les milices de Bruges et d'Ypres marchèrent vers Courtrai ; les gens de la West-Flandre maritime s'établirent sur le mont Cassel, colline isolée au pied de laquelle s'étendent à perte de vue les plaines de la Flandre et de l'Artois. Ils étaient commandés par leur bourgmestre et totalisaient environ 16.000 hommes.

         Quand les Flamands qui étaient dans Cassel virent le roi logé à 2 lieues d'eux avec tout le pouvoir de son royaume (10 batailles et 170 bannières composaient son armée) ils ne s'en effrayèrent point, mais mirent leurs tentes hors de la ville et s'allèrent loger sur le mont Cassel, afin que les Français les pussent tous voir ; et, en dérision du roi, ils placèrent au haut de leur camp un grand coq de toile peinte, sur lequel ils écrivirent :

                  Quand ce coq ici chantera, Le roi trouvé ci entrera.

Ils se moquaient ainsi du roi, l'appelant le roi trouvé, pour ce qu'il n'était point, à leurs dires, le droit héritier du trône.

         On resta 3 jours " les uns vis-à-vis des autres, sans rien faire " ; le 4ème jour, le roi vint camper à une demi-lieue plus près de l'ennemi, sur la petite rivière de Pienne ; il y fut joint par Robert de Flandre, sire de Cassel, avec 15 bannières. L'ancien rival de Louis de Flandre n'osait lui-même refuser de tirer l'épée contre les communes qui avaient voulu naguère lui donner la couronne du comte.

         Conscients de la supériorité de leur position, les Flamands refusèrent d'en bouger. Le roi Philippe était conscient de la difficulté de les assaillir dans l'état actuel des choses et prit le parti de les attirer au combat par un stratagème. Il manda ses maréchaux de France et le comte de Flandre, et les envoya incendier partout le pays alentours.

         Les Flamands ne voyaient que trop bien la fumée des incendies, du haut de ce mont Cassel, d'où l'on découvre à la fois les clochers de Bruges et ceux de Saint-Omer. Le bourgmestre de Furnes, Zannekin, leur principal chef, sentit qu'il ne pourrait retenir davantage ses gens. Il se déguisa en marchand de poisson, s'introduisit dans le camp français, l'examina tout à son aise, et le lendemain soir, 23 août 1328, alors que les maréchaux et leurs hommes d'armes, revenus du fourrage, étaient lassés et ne faisaient nul guet, que les autres chevaliers s'ébattaient à jouer aux dés, et les grands seigneurs allaient de tente en tente pour s'amuser en leurs belles robes, les Flamands descendirent le mont à grands pas, sans cris et sans tumulte, ordonnés en 3 grosses batailles, dont l'une, sous leur chef Zannekin, s'en alla droit aux tentes du roi, l'autre aux tentes du roi de Bohême, la troisième à celles du comte de Hainaut, reprenant le même dispositif que celui de Mons-en-Puelle onze ans plus tôt.

         Les Français n'aperçurent les Flamands qu'au moment où ils pénétraient dans le camp, et les prirent d'abord pour quelque nouveau corps auxiliaire qui arrivait au roi : ils reconnurent leur erreur lorsque leurs compagnons tombèrent sous les piques flamandes. Il y eut un moment de panique et de déroute : une foule de gens fuyaient déjà du côté de Saint-Omer ; heureusement pour l'armée, les maréchaux et leurs gens n'étaient pas encore désarmés : ils montèrent à cheval et coururent à l'ennemi. Le roi, averti du péril se sauva promptement, afin de pouvoir s'armer en sûreté, mais comme il n'avait là ni chevaliers ni écuyers près de lui, chacun songeant à son salut, ce furent les chapelains et les clercs de sa chapelle qui le revêtirent de ses armes. Quand il fut armé à demi et revêtu d'une casaque d'armes et d'un casque de cuir blanc, il monta à cheval , et, rejoint par quelques uns des siens qui portaient, l'un son heaume, l'autre son écu et sa lance, il revint par un chemin détourné contre les Flamands. A la vue des insignes royaux et de l'oriflamme, qui était vermeille et à deux queues fort aiguisées, avec houppes de soie verte à l'entour, toute la chevalerie, tandis que les piétons fuyaient en foule, accoururent auprès du roi, en criant : Mont-Joie Saint-Denis !

         Les maréchaux, Robert de Flandre et quelques autres barons avaient sauvé l'armée d'une déroute complète, en soutenant le premier effort contre les Flamands. Lorsque les Flamands se virent assaillis par toute la gendarmerie ralliée, ils resserrèrent leurs 3 colonnes en 3 épaisses batailles, présentant de toutes parts leurs longues piques au poitrail des chevaux ; pendant longtemps on ne put les entamer, et ils abattirent bon nombre de gentilshommes. Deux des gros bataillons cédèrent enfin à la puissance des chevaux et des cavaliers, et, une fois rompus, ils furent un moment taillés en pièces. Les armures dont se chargeaient les Flamands leur permettaient d'affronter les coups des chevaliers, mais alourdissaient leurs mouvements, et les empêchaient de pourvoir à leur sûreté en cas de revers. C'étaient de véritables hommes d'armes à pied.

         La troisième bataille flamande s'était repliée jusqu'au pied du mont de Cassel ; là elle soutint un nouveau combat contre le comte de Hainaut, qui mit pied à terre avec sa chevalerie pour forcer l'ennemi dans un clos. Les Flamands furent enfin " déconfits et tous tués. Le comte de Hainaut monta sur le mont en la ville de Cassel, mit à mort tout ce qu'il y trouva, et bouta le feu partout. Après quoi le roi retourna en sa tente, fit chanter le Te Deum laudamus, l'ancienne de la sainte vierge et celle du bienheureux Denis, reconnaissant que la victoire était l'œuvre non des hommes mais de Dieu et des saints patrons du royaume.

         L'armée royale ne perdit que peu d'hommes, au contraire des Flamands qui, sur un total de 16.000 au départ en perdirent 13.000 assure-t-on, qui demeurèrent sur le champ de bataille avec leur général Zannekin.

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